Le selfie représente un tournant dans l’histoire de la pensée. Avec lui, nous passons de la société du « Je pense », marquée par la prédominance du logos, à celle du « Je vois, je suis vu ». Je donne à voir au lieu de chercher à expliquer. Il influence aussi la construction du moi dès le plus jeune âge. 

Ce rapport au virtuel est illustré par l’acte simple qui consiste à faire un selfie et qui, sans que nous en ayons vraiment conscience, transforme peu à peu nos existences. Il est l’emblème parfait de la révolution des écrans, devenus d’incontournables médiateurs entre le « je » et le « tu ». Surtout, contrairement à la photo traditionnelle, destinée à moi seul ou à mes proches, le selfie s’adresse à la multitude. 

Un selfie, ça se trafique, ça se met en scène. Ceux qui prétendent refléter la spontanéité de l’instant ne sont pas forcément spontanés ni sincères. Il y a une dimension de trompe-l’oeil dans le selfie. On cherche à se montrer sous un aspect particulier, faussement naturel ou carrément factice. C’est un jeu de vérité ou de mensonge. Et nous ne savons pas réellement ce que nous montrons de nous quand nous en postons un sur Internet.

Et si la chirurgie esthétique pouvait participer à l’amélioration de son vrai « moi » pour en finalité améliorer son « moi virtuel » ? 

L’individu humain ne peut-il plus se concevoir sans son avatar, son autre moi : le moi virtuel ?

Et donc la médecine esthétique permet-elle de rester jeune ?